Le patrimoine historique du Tennis Club

La piscine I.M.H. et le patrimoine du T.C.R. commentés pour les JEP 2014-2016 (Journées Européennes du Patrimoine) (v.4.1 JJV)

1° – Piscine à pergola inscrite aux Monuments historiques
Le bâtiment le plus connu du TCR ! mais pas le seul remarquable…

Construction, inauguration :

par l’architecte Jacques Rapin en 1922-23 [pas de permis de construire retrouvé], qui a beaucoup travaillé à la reconstruction de Reims, ex. boulevard de la Paix, (ancien Automobile Club/Clinique Courlancy) cf. les répertoires du livre-inventaire d’O. Rigaud et M. Bedarida en 1988.

Inauguration politico-mondaine les 21-23 sept. 1923 par André Tardieu : Commissaire aux Affaires franco-américaines et promoteur de l’entrée en guerre des E-U en 1916-17 avec Melchior de Polignac (Maison Pommery) comme lobbyiste ; devenu collaborateur de Clémenceau pour le Traité de Versailles, Tardieu perd sa députation aux élections de 24 mais sera Président du Conseil dans les années 1929-32…

Caractéristiques :

  • Piscine dans le « style de bains romains » avec colonnade (cf. découvertes romaines à Timgad, vers 1900-1920, en Algérie…)
  • Sports nautiques: water-polo, plongeon (grand plongeoir, solarium). Après 14-18, un idéal de l’olympisme est de forger les corps pour concurrencer l’Allemagne… le TCR est un prolongement du Parc Pommery et du collège d’athlètes détruits après 14-18.
  • Inscription à l’Inventaire des Monuments Historiques (IMH en 2001 cf. notice J. Fusier Drac) de l’ensemble de la piscine : deux bassins avec décor de bandeaux de mosaïques, pergola, colonnes avec jardinières et bancs, sols et murs à panneaux.

Évolutions, avenir :

  • Années 20-30 : concerts, spectacles autour de la piscine (documents Druart aux archives des Amis du Vieux Reims)
  • Années 1980 : Olivier Rigaud pour la Ville de Reims signale la piscine dans le patrimoine municipal de la Reconstruction : plaque à l’entrée, rue Lagrive ; n°41 du livre-inventaire de 1988. Et en 2015 : un Itinéraire « Reconstruction franco-américaine à Reims ».
  • Difficultés des travaux d’entretien-restauration : surtout le sol des « plages » et de son poutrage en béton (procédé Hennebique), ainsi que les bandeaux de mosaïque du bassin. La piscine du TCR est un exemple remarquable de l’utilisation du béton armé (mais sur quel sol ou remblais en 1922 ?). La vigne-vierge fait maintenant partie du décor (à l’origine : des rosiers… ?)
  • IMH = 20 à 30 % d’aides de l’État pour des travaux (différent du classement MH = 50 %). Mécénat à trouver grâce à la Fondation du Patrimoine et autres donateurs : la démarche est engagée…

2° – Le jardin du TCR, de la rue Lagrive au boulevard Pasteur, une création d’Édouard Redont.

Patrimoine « naturel/culturel », c’est le thème annuel 2014 des JEP ; au TCR, Édouard Redont, célèbre architecte-paysagiste des années 1900 (Parc Pommery, etc.), a conçu l’espace vert, les courts et le club-house du TCR !

Avant 14-18, c’était le « parc Luzzani », entrepreneur de transport, en bordure extérieure du boulevard de l’ancien rempart de la ville (depuis la guerre de Cent Ans, 1358 ; démolition 1848 /1880…). Les Coutures, c’est un ancien endroit cultivé. Naissance de l’ilot : voir une carte postale ancienne d’Olivier Rigaud, une vue aérienne du début de 1914. De l’époque de Redont, il doit rester dans le jardin :

– les deux grands hêtres rouges (comme ceux de la Patte d’Oie, coté commissariat), arbres décoratifs qu’aimait bien Redont…
– l’alignement d’érables devant le court 1. L’allée centrale plantée côté boulevard Pasteur est des années 1950 : identification / datation en cours grâce aux services de la Ville de Reims. Des photos du club vers 1925 montrent les débuts du parc et des plantations.

Évolutions plus récentes de l’espace vert qui pourrait devenir un « espace boisé classé » :

– années 1955-60 : la grande vigne- vierge des courts couverts André Schneiter : grande dimension des troncs !
­ années 1970 : la pelouse est plantée (espace vide avant ?) avec un grand genévrier rampant ; magnolia et cèdre pas très vigoureux ni très intégrés à l’ensemble de la vue et de l’espace…
– années 1980 : massif et cépée de peupliers du nouveau court 7 plantés par Pierre Langlet…

3° – Le club-house de 1922 : construit aussi par Édouard Redont

dans le style cottage (cf. les pavillons du Parc Pommery ; peut-être aussi avec le concours de l’architecte Ernest Kalas pour l’intérieur). Particularités : façade surmontée d’un balcon-terrasse (disparu), puits de lumière et cheminée pour le grand salon, mezzanine avec balustrade et boiseries. On connait bien le projet du bâtiment grâce au permis de construire conservé aux Archives municipales.

– prolongement, entre le club-house et le hall des courts couverts charpentés, par une petite galerie en bois semi-ouverte comme celles du Parc Pommery avec les vestiaires à l’arrière (partie agrandie en 1956 et en 1968) : galerie qui est aujourd’hui le vestibule d’accueil et le secrétariat et abrite sur ses murs les inscriptions commémoratives gravées.

4° – L’inscription de fondation et les autres plaques-souvenir

La grande inscription de 1921-23 est sûrement à sa place initiale au bout de la galerie vers les anciens courts couverts charpentés ; elle perpétue une tradition de grandes inscriptions romaines qu’il faut déchiffrer : abréviations, prénoms, généalogies, carrières… Fondation du TCR grâce au Comité Américain des Régions Dévastées et aux membres fondateurs : deux donatrices et présidentes américaines : Mme Dike et Mlle Morgan et de nombreux bienfaiteurs, ex. : Charbonneaux (verrerie et Foyer Rémois), Heidsieck, Bertrand de Mun, l’architecte Rapin, Vitry (cf. son album sportif conservé au TCR), etc. et bien sûr la famille Polignac :

– Le célèbre marquis Melchior de Polignac, (fils et patron de la Maison Pommery, 1880-1950), fondateur du Parc Pommery, des semaines de l’aviation à Reims, du Comité International Olympique, etc. Il est le président-fondateur d’honneur du club.
Le champagne Pommery se vend bien aux USA malgré la prohibition. Melchior de Polignac aide André Tardieu, qui inaugurera la piscine, à faire entrer les Américains dans la guerre en 1917. En 1941-44, Melchior collabore avec les diverses autorités allemandes et les aide à acheter et détourner la production champenoise… Sa sœur, la princesse Diane de Polignac est la veuve d’Henri, son cousin qui est mort à Auberive dès 1915.
– Le comte Maxence (1892-1963), d’une autre branche Polignac, est le jeune président du TCR à 30 ans. Il est le frère de Pierre de Polignac devenu prince de Monaco et père de Rainier (1923-2005). Voir la plaque commémorative de Maxence de Polignac dans le vestibule (Légion d’honneur, Croix de guerre 14-18) inaugurée par Jean Taittinger en 1973. Les autres plaques commémoratives sont :
– La plaque des camarades victimes de la guerre 39-45 (dont deux résistants exécutés : Jacques Detré et André Schneiter) ;
– La plaque de l’inauguration des courts couverts « André Schneiter » avec les donateurs sur la façade des courts 8 et 9. Un autre résistant rémois célébré, Pierre Bouchez, a été président du TCR en 1934-43 et en 1949-50.

5° – La qualité du hall en béton armé des courts 8 et 9 de 1955

10 ans après la destruction des deux courts couverts charpentés d’Édouard Redont, la reconstruction d’un hall par Jacques Herbé et les frères Maurice et Guy Galloy, tous les trois tennismen, est une réussite qui dure : il suffit d’entrer sur ces courts 8 et 9 pour le constater ! Ce hall a sa place dans la série des bâtiments rémois en béton armé (assez souvent réalisés par Demay frères) : charpentes de la cathédrale par Deneux, halles de Reims, hangar de la BA 112, etc. Quelques détériorations à la base des piliers apparaissent ; la toiture-verrière est devenue moins étanche…
Le hall porte le nom d’André Schneiter, jeune tennisman du TCR (1914-1944), militaire résistant de l’A.S. Il est arrêté en juillet et fusillé en août 1944 dans les Ardennes, peu avant le 30 août. La grande vigne vierge, plantée vraisemblablement en 1956-7, semble faire maintenant partie du bâtiment, beau mur végétal même si ce n’est pas très bon pour la toiture et la conservation du bâtiment…

6° – Un bel exemple d’évolution architecturale pour les courts couverts:

– Le bâtiment le plus ancien a disparu (détruit en 1945-46 mais dans quelles circonstances ? dépôt américain de carburants ?) : c’était le hall en charpente de bois (chêne et pin) seulement connu par quelques photos et le permis de construire de 1922 déposé par Redont. Ce devait être une belle réalisation…. Comparaisons à chercher ailleurs (TC Troyes : ancien hall à dirigeables réutilisé). En 1955, le hall en béton de Herbé-Galloy remplace ce bâtiment en bois détruit 10 ans avant.

1979-80, le hall type hangar (projet et permis de construire : F. Dravigny – N. Rouzeau) mais avec une toiture arrondie pour améliorer son insertion, à la demande de la Ville et de son architecte-urbaniste G. Henry.
– Le hall le plus moderne en structures métalliques (2001-2006)… mais sujet à des problèmes d’aération-condensation.

Tous ces bâtiments couvrant des courts de tennis ont une bonne insertion dans le paysage urbain et l’espace vert. La qualité de la façade et de l’espace intérieur du hall en béton armé de J. Herbé et de M. et G. Galloy ainsi que le souci des détails pour ses ouvertures et aérations sont sans équivalent en 1955 et encore aujourd’hui ! Le mur végétal y compris, même masquant un peu la structure…

7° – Le patrimoine du TCR : histoire du club, culture sportive et architecturale, nécessités économiques.

Cette première participation du TCR aux Journées du Patrimoine, en 2014 puis en 2015, exprime le souhait de montrer la qualité de cet espace et de ses bâtiments historiques en pleine ville ; d’expliquer aussi à tous qu’entretenir et restaurer, le mieux possible et dans les cadres institutionnels, un tel patrimoine bâti et culturel est une lourde responsabilité pour un club et des bénévoles.
Le Patrimoine du TCR, c’est aussi la relecture des documents anciens (permis de construire conservés aux Archives municipales, photos, articles de presse, etc. ; des souvenirs écrits ou oraux, des témoignages à recueillir, des démarches à faire et des partenariats…Un « lieu de mémoire »avec un patrimoine toujours vivant depuis 1914, lieu qui témoigne encore de la coopération franco-américaine et de l’aide des États-Unis à la Reconstruction de Reims (collaboration du TCR avec Sciences Po et l’UFR STAPS, parcours urbain en cours de réalisation par la Ville, parc Pommery…). Reconstituer petit à petit les Archives numériques partageables du TCR est une activité et un outil pour le club et l’histoire urbaine et culturelle de Reims.